Published 2009-01-01
Keywords
- amitié,
- societé d'ordres
How to Cite
Abstract
Si la vertu et l’utilité sont les deux pôles fondamentaux que les Anciens ont reconnus à l’amitié, les modernes attendent d’elle une proximité individuelle exprimée par Montaigne d’une façon radicale dans le célèbre « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Dans les sociétés d’ancien régime, lorsque l’asymétrie d’une relation sociale utilise pour s’exprimer le langage de l’amitié, c’est-à-dire un discours égalitaire, la contradiction témoigne de la nature de la relation elle-même. Nous examinons cette contradiction et ses ressorts à travers le cas des liens complexes établis entre deux hommes du XVIIIe siècle européen : le comte de Hartig et son médecin Jean Philippe de Limbourg. Sans leur prêter ni cynisme calculateur, ni illusion naïve, il s’agit de déterminer les conditions de leurs relations qui se jouent à plusieurs niveaux. Nées dans un lieu propice aux échanges asymétriques réglés par la civilité mondaine (la station thermale de Spa), leur amitié conjugue intérêts communs (lecture, écriture, action dans vie publique et pour la politique), intérêts mutuels (Hartig écrivain amateur envers Limbourg son correcteur et intermédiaire avec les milieux érudits, Limbourg envers Hartig qu’il tente de prendre pour intermédiaire pour faire connaître son opinion auprès des cercles gouvernementaux), et dépendance (de Hartig malade envers son médecin). Le langage de cette amitié est en permanente tension et cherche sa bonne mesure : les émoluments et présents de Hartig à Limbourg sont aussi ponctuels que mesurés ; la déférence est si établie qu’elle peut être sans danger sujette à dérision.